4 – La Renaissance du village

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Les inondations du Midi ont été d’une telle ampleur que les autorités nationales se mettent promptement en route pour voir l’étendue des dégâts. C’est ainsi que dès le 8 mars 1930 les représentants de l’Etat arrivent dans Reyniès dévasté. Les premiers à contempler l’ampleur des dégâts sont messieurs Georges Pernot, ministre des travaux publics, et Marcel Héraud, sous-secrétaire d’Etat à la présidence du Conseil. Impressionné, cette vue inspira d’ailleurs au Ministre ces paroles : « C’est formidable, j’ai vu le front. Eh bien ! L’eau a ici fait en trente heures un travail que la guerre, pourtant si terrible, mettrait six mois à effectuer.». Quelques heures plus tard, c’est monsieur Gaston Doumergue et monsieur André Tardieu, respectivement Président de la République et Président du Conseil, qui arrivent à leur tour à Reyniès. Ces derniers, émus par une telle catastrophe, félicitent les courageux sauveteurs. Cette visite, comme celles dans d’autres villages touchés par les crues au même moment, contribuent à la levée d’une aide nationale, promettant des travaux d’hygiène mais aussi une enveloppe de 100 millions de francs adressée à l’ensemble des sinistrés du Midi.

Localement, les communes s’organisent. Afin de protéger les habitants des convois sont lancés dans le but de transporter les villageois sinistrés, qui bénéficient alors de l’hospitalité des villages voisins d’Orgueil, Labastide-Saint-Pierre ou encore Villebrumier. Moteur de l’effort de reconstruction, une puissante dynamique d’entraide se met également en place, mobilisant de nombreux acteurs. Grâce aux relations du Général de Seguin de Reyniès, en garnison à Besançon, du Doubs et de la Haute-Marne proviennent alors des vêtements, outils, cuisinières, poêles, meubles, charrettes et cheptel, tandis que des programmes d’aide sont montés par des écoles, des gérants d’usines tel Albert Brémant, Reyniésien gérant du Moulin de Saliens, ou encore par le journal “L’Ami du Peuple”, basé à Paris, voient le jour. L’écho de la catastrophe traversera même les frontières, certains pays apportent leur soutien aux sinistrés français à l’instar du roi Georges V du Royaume-Uni qui a envoyé un télégramme au président de la république. Il lui dit ceci : « J’ai appris avec le plus profond regret les inondations désastreuses qui ont désolé de si vastes régions dans le sud et le Sud-Ouest de la France et je m’empresse de vous exprimer, Monsieur le Président, ma profonde sympathie pour les victimes et particulièrement pour ceux qui sont en deuil par suite de la perte déplorable des vies causées par ce désastre.».

Mais des aides plus concrètes viennent également de l’étranger, une des plus notables étant sûrement l’arrivée de travailleurs Yougoslaves venant aider à la reconstruction du village. Là, travailleurs locaux aussi bien qu’internationaux s’allient. Une voie ferrée destinée à l’évacuation des décombres naît : elle traverse le village de part en part et la reconstruction progresse à bon train. On peut alors rapidement construire des murs de soutènement près du pont ; redessiner le village avec des rues bien droites, des trottoirs ; s’occuper de l’adduction d’eau potable et même des égouts ; installer l’électricité, etc…

Marquant sa volonté de s’enraciner sur les berges du Tarn, la commune va être reconstruite sur son emplacement historique du XVIIIe siècle. Au terme de seulement trois ans de reconstruction, Reyniès livre en 1933 son nouveau visage. De solides maisons faites de béton et de pierre affichent leurs façades Art Déco : un style résolument tourné vers la modernité, privilégiant lignes droites et formes géométriques, mais néanmoins empreint de toute la fantaisie caractéristique de l’art des « années folles ». Dans ce village aux vertus du phénix, on peut voir des entrelacements de toitures et des vérandas, des frontons et des bow windows, de délicates frises et génoises ou bien encore des pans coupés qui brise la monotonie. L’heure est à la couleur, et les bâtisses se couvrent de rouge, de bleu, de gris foncé ou encore de jaune flamboyant. Reyniès renaît de ses cendres.